Article LibéRennes (liberation.fr) du 14/01/2011:Jacques Ayel, l'homme qui peignait avec la main des autres |
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RENCONTRE - La pièce est encombrée de pots de peintures, de bocaux remplis de poudres colorées, de pinceaux et de couteaux à peindre de toutes dimensions. Quelques dizaines de toiles sont rangées sur des étagères et quelques-unes sont accrochées aux murs. C’est là que le peintre Jacques Ayel, 50 ans, travaille chaque jour, trois heures durant en moyenne. Et, quand il ne travaille pas, il continue de penser à ces couleurs vives, à cette matière vivante, qui dessinent des paysages oniriques tout droit sortis de son imagination. Jacques Ayel n’est pas un peintre tout à fait comme les autres. Atteint d’une maladie évolutive, la sclérose en plaques, qui l’a progressivement privé de l’usage de ses jambes, de ses bras, de ses mains, il n’a plus de contact direct avec la toile. Mais il n’a jamais cessé de peindre pour autant. Depuis quatre ans, ce sont des assistantes, à qui il dicte chaque geste, chaque action à accomplir pour réaliser ses oeuvres, qui remplacent ses membres déficients. “Un peu plus bas... Non, là, plus à droite... Sans appuyer trop fort... sur cinq mm... Oui, comme celà... C’est bien”. Sur le film “Essentiel” qui sera présenté lundi dans le cadre du festival Retour d’Images- Arts des Différences à Rennes (1), il y a Ludmilla, Solène, Béa, qui écoutent avec attention les instructions de l’artiste et s’y plient avec une concentration appliquée. Elles sont une demi-douzaine à se relayer auprès de Jacques Ayel, toutes membres de Handicap Services 35, association "d'accompagnement des handicapés dans la vie sociale". Elles n’ont pas d’aptitudes particulières pour la peinture. Mais on n'en sent pas moins une connivence très forte avec le peintre, dont le généreux sourire irradie le film. “Qu’est ce que tu peux faire d’intelligent quand tu vis sans tes bras et sans tes mains? s'interroge l'artiste. Moi, je travaille dans ma tête et le jour où je ne peux plus bosser, je crève.” Pierre-Henri ALLAIN |