Jacques Ayel peint avec les mains des autres - Rennes
 
      
 

 
 
samedi 25 avril 2009

La maladie a rattrapé son corps mais n'a pas atteint son âme de peintre. Sa technique passe désormais par les mains de ses assistants. Une aventure humaine désormais en film.

Nat s'apprête à poser l'enduit sur la toile, le geste en suspens. Jacques ne la quitte pas des yeux, concentré. Il la guide : « Plus à droite, encore, plus bas, plus bas. Appuie vraiment et descend de cinq millimètres. »

Au fil des 26 minutes du film que Jean-François Grêlé, dit Djeff, a consacré au travail de Jacques Ayel, on ne doute pas un seul instant que l'artiste reste maître de sa toile. C'est bien lui qui la voit avant même qu'elle existe. Qui rêvent les formes et les volumes, les lignes et couleurs. Pourtant ses mains ne lui obéissent plus. La faute à l'évolution de sa sclérose en plaques. Peu importe.

Le peintre n'a pas disparu, il s'est adapté. Sa force de vie il la nourrit avec sa femme Isabelle et son fils. Pour le reste, les professionnels de l'association Handicap services 35 se relaient pour lui servir de mains entre deux et quatre heures par jour dans son appartement-atelier du quartier Arsenal-Redon. « On peint d'abord avec sa tête, » explique l'artiste. Djeff le réalisateur le résume différemment : « C'est un peintre qui est handicapé, pas un handicapé qui peint. »

« C'est moi le peintre »

D'autant que la peinture fait partie de la vie de Jacques Ayel depuis très longtemps. L'histoire commence aux Beaux-arts du Mans en 1978. Son talent et son savoir-faire s'y développent « mais j'ai pris le temps de voyager et de me séparer du poids de l'école ». En 1992, il remet la main à la pâte et trouve son sillon. Une peinture non figurative où des couleurs intenses parlent entre elles.

Son handicap influence-t-il la vision que les autres ont de sa peinture ? « Non, car on voit d'abord ma peinture. » D'ailleurs quand Drouot a décidé de coter son travail, c'était sans connaître son histoire.

Jacques Ayel insiste toutefois pour que ses « collaborateurs » ne s'y connaissent pas en peinture. « C'est moi le peintre. Il ne doit pas y avoir de conflit de création. » D'ailleurs, pour la toile qu'on suit de bout en bout dans le film, neuf professionnels de Handicap services ont participé : Nat, mais aussi Béa, Karine, Céline, Ludmilla, Jonathan, Julie, Manu, Solène. Entre Jacques et eux, le maître mot est l'empathie.

Avec le réalisateur Djeff, ce serait plutôt la complicité. Ils se connaissaient depuis longtemps mais Djeff avait porté sa caméra dans des contrées lointaines. Il évoque d'ailleurs le voyage pour revenir à Jacques Ayel. « Les voyages peuvent commencer à la porte de chez toi avec des gens qui fonctionnent différemment. Avec Jacques, ce fut un sacré voyage. » Vécu aussi par le spectateur. La caméra de Djeff nous fait entrer au coeur de la peinture, dans l'intimité de sa pièce atelier, au plus près de l'artiste et de son aide. « On a été sincère tous les deux » conclut le peintre. Ça se voit.

Ce week-end, Jacques Ayel est l'invité d'honneur du salon de peinture « In et out » de Chavagne. Samedi de 10 h à 12 h et de 14 h à 18 h. Dimanche de 10 h à 12 h et de 14 h à 19 h. Salle Entre 2 rives près de la mairie. Le film, projeté une fois à l'Arvor, sera présenté plusieurs fois à Chavagne.

Gilles KERDREUX.

(Article Ouest-France)

 

 
 

"Essentiel": court métrage réalisé par Jean-françois Grêlé sur la fabrication d'une peinture de A à Z. Prix du public au festival "Docencourt" à Lyon le 2 décembre 2011. (voir sa rubrique "liens")